Le baromètre CEGOS (grand organisme de formation professionnelle) dédié au climat social et à la qualité de vie au travail vient de paraître. Alors, comment ça va en 2016 ?
Premier constat : les résultats sont contre-intuitifs et tranchent avec un environnement très déprimé et des perspectives très pessimistes, tant sur le plan social qu’économique. Il faut préciser que le sondage a porté sur des entreprises de plus de 100 salariés.
Deux points négatifs ressortent : le climat social, vécu comme en dégradation continue, et les risques psychosociaux, toujours perçus comme importants. Les résultats peuvent paraître contradictoires.
Des résultats contradictoires
Un point fort : l’ambiance de travail
7 salariés sur 10 sont globalement satisfaits du climat social dans leur entreprise. Les trois quarts d’entre eux se déclarent fiers de travailler dans leur entreprise et satisfaits de leur emploi actuel. Ces chiffres sont encore plus forts chez les managers. 53 % des salariés interrogés se disent impliqués et investis sur une échelle de 1 à 10, avec là encore des résultats encore plus élevés chez les managers. Paradoxalement, le climat social est toujours perçu comme en dégradation par 41 % des salariés, un chiffre toutefois en forte diminution par rapport à l’enquête CEGOS de 2014.
Un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle…
83 % des salariés séparent bien les deux dimensions. Si les salariés estiment toujours travailler sur leur temps personnel, ils sont moins nombreux que lors de l’enquête 2014, à hauteur de 30 %. C’est également le cas pour les managers, mais à des niveaux plus importants, à hauteur de 62 %.
… et des outils digitaux moins envahissants
La digitalisation est perçue comme moins négative que lors de la précédente enquête CEGOS du point de vue de l’équilibre vie privée/vie perso, et de l’impact sur la charge de travail. Rappelons à ce propos que la loi Travail introduit un droit à la déconnexion. C’est sans doute l’un des rares points du texte de loi qui n’aura pas soulevé de fortes protestations.
Des risques psychosociaux encore importants
Là encore, malgré des avancées, les perceptions négatives restent importantes et traduisent une réalité inquiétante : 55 % des personnes interrogées subissent un stress régulier au travail et 72 % des salariés estiment que ce stress a un impact négatif sur leur santé.
Au regard des menaces pour la santé au travail, telles que la multiplication des burn-out et la banalisation des situations de conflits importants au sein d’un service, ou encore des cas de salariés partant au travail avec « la boule au ventre », ces chiffres ne sont pas étonnants, voire ne paraissent pas si mauvais.
Enfin, l’enquête révèle un écart de perception entre les DRH et les salariés interrogés : les uns pensent que les rémunérations et les efforts en matière de gestion prévisionnelle des emplois et compétences sont adaptés, quand les seconds sont d’un avis contraire.
Les limites de l’enquête
L’échantillon est limité aux entreprises de plus de 100 salariés. Les résultats obtenus n’auraient sans doute pas été les mêmes dans des TPE et PME. Une distinction plus forte entre les différentes tailles d’entreprises (plus de 1 000, moins de 1 000, moins de 300, etc.) aurait aussi été appréciable, les enjeux étant tout à fait différents. Les TPE et PME ont moins de moyens pour mener un dialogue social ambitieux (puisque les représentants du personnel y sont moins nombreux et les instances moins importantes) et souffrent sans doute davantage du contexte économique actuel, qui reste morne. Enfin, la question de la rémunération et de l’évolution professionnelle est évidemment traitée très différemment selon la taille de l’entreprise.
Par ailleurs, tous ces résultats méritent bien entendu d’être contextualisés, en confrontation avec la réalité particulière de chaque entreprise.
Quels enseignements tirer de ce type d’études ?
Nonobstant le caractère général de l’étude, on peut tout de même tirer un constat applicable à la plupart des entreprises : le monde du travail est en mutation forte. Le niveau de stress atteste d’un changement profond des organisations et des méthodes de travail, dont la digitalisation est le deuxième signe concret d’évolution. Loin de tout parti pris, ce constat appelle une conclusion logique : les conditions de travail sont, elles aussi, en forte mutation.
Pourquoi ne pas travailler sur le bien-être au travail ?
Quels que soient la légitimité d’une perception négative ou le ressenti d’un stress, cette perception est en elle-même une réalité et aura des effets négatifs sur l’ambiance au travail, l’implication des salariés, l’efficacité de l’organisation, etc. La question n’est donc pas de savoir si les salariés ont raison ou non d’éprouver des ressentis négatifs (il est d’ailleurs très difficilement acceptable de se voir expliquer que l’on n’a pas les bons sentiments), mais de comprendre la source de ces ressentis. De la même manière, on ne reproche pas au marché de devenir plus concurrentiel, c’est une réalité objective à laquelle il faut s’adapter.
Consacrer un effort à la qualité de vie au travail – indépendamment des efforts consentis par ailleurs en matière de rémunération et de formation – ne peut qu’aider à développer une dynamique collective, donner du sens au travail et permettre à ce collectif, et donc aux salariés comme à l’organisation, de se projeter dans l’avenir. Le concept a le mérite d’être assez universel et donc de rapprocher les points de vue divergents.
Si l’on entend souvent que « travail » vient de trepalium et donc implique la peine, on pourrait au moins espérer que le simple fait de se rendre à son lieu de travail, puis d’y être présent, ne soit déjà plus une souffrance. Avant de rêver à l’utopie d’un travail épanouissant pour tous, ou encore à celle de la fin du travail, souhaitons que 2017 soit l’année de la révolution du climat social et du bien-être au travail !