Qu’est-ce que

l’IC-CHSCT ?

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Un projet de transformation important se prépare dans votre entreprise et les conditions de travail vont être modifiées ? Si votre entreprise compte plusieurs établissements, l’instance de coordination des CHSCT (IC-CHSCT) peut remplacer les CHSCT sous certaines conditions.

IC-CHSCT, c’est quoi ?

L’IC-CHSCT est une sorte de supra CHSCT, qui regroupe des représentants de différents CHSCT dont les périmètres sont impliqués par un même projet.

Le recours à l’IC-CHSCT est une liberté de l’employeur et les représentants du personnel ne peuvent le refuser. L’instance de coordination des CHSCT a donc vocation à remplacer les CHSCT lors des consultations pour certains projets, mais sa mise en œuvre n’est pas obligatoire.

Si vous êtes membre d’un CE ou d’un CHSCT, votre direction vous a peut-être parlé de cette nouvelle instance, en vous expliquant que la consultation aurait lieu au niveau de l’IC-CHSCT, ou que vous deviez nommer des représentants pour cette nouvelle instance, dans l’éventualité de consultations futures. Naviguer dans le Code du Travail n’est pas une sinécure, aussi nous vous présentons ici l’origine de cette évolution de l’organisation du dialogue social, sa nature, les règles applicables et les conséquences sur le travail des CHSCT et des CE.

Pour bien comprendre le fonctionnement de l’IC-CHSCT, il faut avoir en tête la distinction entreprise/établissement. L’établissement est une unité d’exploitation ou de production géographiquement distincte, mais qui fait partie de l’entreprise, dont elle dépend juridiquement et financièrement (à ne pas confondre avec une filiale). Petite astuce simple pour s’y retrouver : un établissement dépend d’un Siège social.

Au départ, une mesure de simplification

L’instance de coordination des CHSCT est apparue avec la loi de 2013 de sécurisation de l’emploi et a vu ses prérogatives renforcées par la suite.

Initialement, l’IC-CHSCT avait simplement vocation à mutualiser les coûts d’expertise et à simplifier la procédure lorsque plusieurs CHSCT devaient être consultés pour un même projet. L’instance de coordination organisait l’expertise, mais les différents CHSCT concernés émettaient un avis.

Un transfert des compétences des CHSCT

Depuis la loi Rebsamen, dont nous avons déjà longuement parlé sur ce blog, l’instance de coordination des CHSCT est devenue, pour schématiser, un équivalent du CCE (comité central d’entreprise) dans le domaine de l’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail.

Voir la section correspondante du Code du Travail, articles L4616-1 et suivants

Depuis cette nouvelle loi, l’IC-CHSCT est non seulement chargée d’organiser l’expertise du projet (et de désigner l’expert), mais elle rend également un avis sur le projet. L’IC-CHSCT est également consultée sur les adaptations apportées au projet qui seraient communes à l’ensemble des établissements.

Ces compétences sont exclusives : les CHSCT des établissements n’ont pas leur mot à dire quant à la désignation de l’expert et ne rendent pas d’avis. Dans le cas où l’IC-CHSCT est réunie, ils ne peuvent être consultés que sur les adaptations du projet qui seraient spécifiques à leur établissement.

Quelle composition ?

L’IC-CHSCT est composée des membres suivants (article L4616-2 du Code du Travail) :

  • médecin du travail, inspecteur du travail, représentant du service de prévention de la Sécurité Sociale correspondant, responsable de la sécurité et des conditions de travail de l’entreprise
  • un représentant de l’employeur
  • de représentants des CHSCT.

Accrochez-vous sur ce dernier point, c’est un peu technique. Le nombre de représentants de chaque CHSCT varie en fonction du nombre de CHSCT concernés. L’idée est visiblement d’éviter un trop grand nombre de participants autour de la table si de nombreux établissements sont concernés.
Voici la « clé de répartition » :

  • 2 à 7 comités impliqués : 3 représentants par CHSCT
  • 7 à 15 comités : 2 représentants par CHSCT
  • plus de 15 comités : 1 représentant par CHSCT.

Chaque CHSCT désigne ses représentants (l’employeur n’a pas son mot à dire) en son sein. Si vous êtes membre d’un CHSCT dans une grande entreprise, votre direction a peut-être inscrit à l’ordre du jour d’une séance la désignation de trois représentants à une éventuelle instance de coordination, avec un ordre de priorité. Selon le nombre d’établissements impliqués, 1,2 ou 3 de ces représenteront siégeront à l’IC-CHSCT, en fonction de l’ordre établi. Un projet peut impliquer 5 établissements (et donc 5 CHSCT), un autre 10, etc.

Quelle procédure de consultation ?

Les délais de remise d’avis ont été précisés par le décret du 30 juin 2016.

L’IC-CHSCT dispose d’un mois pour remettre un avis à compter de la communication par l’employeur des informations nécessaires. Ce délai est de 3 mois en cas d’expertise. À l’expiration de ce délai, l’instance est réputée avoir été consultée : en d’autres termes, l’absence de remise d’avis est considérée comme un avis négatif et la procédure est close.

En cas de saisine de plusieurs CHSCT par le CE et de mise en place par l’employeur d’une instance coordination des CHSCT, le délai de consultation du Comité d’Entreprise peut être porté à 4 mois.

Quelle conséquence pour les CHSCT, pour les représentants du personnel et pour les salariés ?

Rappelons que la mise en place de l’instance de coordination n’est pas obligatoire. Cependant, au vu de la simplification des procédures et de l’économie générée par le recours à une expertise unique (les expertises sont payées par la direction) les employeurs auraient tort de s’en priver.

Pour les CHSCT d’établissement, la conséquence directe est une réduction de leurs prérogatives à leur strict périmètre d’établissement. Comme souvent, ce changement peut être perçu comme positif ou négatif, puisqu’il présente différents risques et opportunités :

  • une meilleure organisation des débats: en donnant à l’IC-CHSCT une mission de consultation sur le projet d’ensemble, et en confiant aux CHSCT « locaux » l’examen des conséquences spécifiques à leur périmètre, on se donne une chance d’ordonner les discussions et de mieux traiter les questions générales comme les points de détail. Or, en matière de conditions de travail, le diable est souvent dans les détails. Cette répartition des rôles permet de débattre du projet dans son ensemble sans digression sur les détails, et inversement, de traiter correctement les impacts locaux d’un projet sur des points précis (aménagement, surfaces, outils, horaires, etc.)
  • un risque de déperdition de l’information: le risque est que l’information des CHSCT remonte mal à l’IC-CHSCT et inversement
  • une répartition plus contraignante des heures de réunion des CHSCT : Compte tenu des transferts de compétences, les membres des CHSCT locaux non représentants à l’instance de coordination auront moins de temps pour discuter des projets importants
  • une perte de pouvoir et d’influence au niveau des établissements: même si le CHSCT local a la possibilité de discuter des adaptations du projet qui lui sont spécifiques, un projet global peut être avantageux ou neutre pour certains établissements, et être beaucoup plus problématique pour d’autres. Là où auparavant, un CHSCT avait la possibilité d’enrayer la machine pour gagner du temps et avoir plus de poids pour influencer un changement, l’instance locale risque malgré tout de devenir une chambre d’enregistrement.

Conclusion

Pour les CHSCT, l’enjeu essentiel sera précisément la coordination des instances entre elles, et donc entre les différents périmètres. Si le bénéfice de l’IC-CHSCT est évident pour l’employeur, les représentants du personnel auront en revanche des efforts à fournir pour que cette nouvelle instance leur permette de pleinement représenter les salariés et améliorer les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité.

Lors de la nomination des représentants, vous avez donc intérêt à désigner des membres qui aient envie de s’impliquer fortement et qui ne soient pas effrayés à l’idée d’une charge supplémentaire de travail dans le cadre de leur mandature.

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