Réfléchissez à deux fois avant de fixer des objectifs à vos collaborateurs !

Des objectifs mal fixés sont catastrophiques, tant en termes humains (démotivation du collaborateur) que financiers (allant jusqu’à la faillite de l’entreprise). Cette année, prenez le temps de vous interroger sur la manière de les rendre réellement positifs pour tout le monde.

La fin d’année approche. Un œil sur votre to-do-list des tâches à clore avant le 31 décembre et un autre sur votre liste de Noël, janvier vous semble loin. Et pourtant, c’est pile le moment de préparer vos entretiens annuels et de réfléchir aux objectifs dont vous allez devoir discuter avec vos collaborateurs. Réfléchir ai-je dit ? Oui oui, ne commettez pas l’erreur des années précédentes en reprenant les mêmes !

Cette année, pour remotiver vos troupes, je vous recense tout ce qu’il faut faire en matière d’objectifs (sur la base de l’étude d’Ordóñez, Schweitzer, Galinsky et Bazerman menée en 2009). Dans un article à suivre, je vous donnerai des astuces pratiques qui vous guideront dans l’établissement de ceux-ci.

Des objectifs pour affirmer son autorité, organiser et motiver…

Tout d’abord, rappelons pourquoi nous nous retrouvons tous les ans à fixer des objectifs. Depuis des décennies, nous en attribuons à nos collaborateurs à trois fins :

  • managériales : le responsable marque par cet outil sa volonté et son leadership, il oriente et met en branle l’action de son équipe en cohérence avec les axes de développement stratégique de la société ;
  • organisationnelles : les objectifs de croissance de l’entreprise sont correctement répartis et suivis entre chaque service, puis chaque salarié ;
  • psychologiques : les objectifs favorisent l’engagement personnel des collaborateurs qui donnent alors le meilleur d’eux-mêmes et se responsabilisent.

… qui nuisent trop souvent à l’organisation et démotivent !

Sur le papier, l’outil que constituent les objectifs annuels a tout pour plaire. Hélas ! dans les faits, ils sont trop souvent mal fixés et ont ici et là conduit à d’importantes pertes :

  • Enron : entreprise américaine leader dans le domaine de l’énergie fait faillite fin 2001, après 15 années d’objectifs ambitieux relevés. Les causes de son dépôt de bilan ? De la triche, du mensonge et de la corruption à tous les étages. L’origine de cette « culture d’entreprise » ? Des objectifs inatteignables. Une commission indépendante a par la suite démontré que le président d’Enron avait déterminé de mauvais objectifs : au lieu de se focaliser sur le chiffre d’affaires, ils auraient dû porter sur l’évolution de sa marge, bien plus payante à long terme ;
  • Sears : début des années 1990, les employés de la filière d’entretien automobile ont longtemps trompé leurs clients en effectuant des réparations inutiles. Pourquoi ? Parce que leurs objectifs de vente étaient fixés à 147 $ de l’heure ;
  • Ford : fin des années 1960, certains salariés avaient pour objectif de créer rapidement une voiture bon marché et peu gourmande en essence. Résultat : la Pinto et un risque d’embrasement à chaque impact. Face au triple objectif (mise rapide sur le marché, tarif et économie en carburant), la sécurité a été négligée. Au bout du compte, c’est l’éthique et la réputation de l’ensemble de la société qui en a pâti.

Ces trois exemples ne sont malheureusement pas isolés et cantonnés au siècle dernier. La triche existe toujours au sein de nos grands groupes. Nous pouvons par exemple citer le cas de Volkswagen concernant ses taux d’émission de polluants : les objectifs fixés étant trop élevés, les employés ont contourné le système.

route droite

Cette année, une seule résolution : réussir ses objectifs !

Pourquoi les objectifs fonctionnent un jour, puis nuisent le lendemain ? Parce que l’environnement économique, les besoins de la société et les personnes évoluent. Les motivations d’un salarié ne sont pas les mêmes à son embauche, trois ans après et quinze ans plus tard. Or, pour rappel, les objectifs doivent organiser l’entreprise et stimuler les salariés.

Je vois déjà votre mine déconfite : comment allez-vous faire pour bâtir vos objectifs alors même qu’ils peuvent conduire votre société à la faillite ? Voici un petit guide établi à partir de l’étude d’Ordóñez, Schweitzer, Galinsky et Bazerman réalisée en 2009.

1.    S’interroger sur la nécessité de fixer un objectif

Tout d’abord, au vu des conséquences que peuvent engendrer les objectifs, la première question à se poser est la suivante : ai-je intérêt à attribuer des objectifs ? S’il s’agit uniquement de donner une direction à votre équipe, doivent-ils forcément être associés à une récompense ?

La réponse variera d’un salarié à un autre. Certains ont besoin d’objectifs pour se jauger, se fixer un cap et se dépasser. D’autres se sentent tétanisés à l’idée d’échouer : ils risquent donc soit de se replier sur eux-mêmes, soit de chercher des moyens pour réussir coûte que coûte.

2.    Déterminer des objectifs qui ne sont pas trop précis

La présence même d’objectifs peut amener les employés à se concentrer myopiquement sur les gains à court terme et à perdre de vue les effets potentiellement dévastateurs à long terme sur l’organisation.

Ordóñez, Schweitzer, Galinsky et Bazerman

À fixer des objectifs trop précis, comme nous l’avons vu plus haut, le risque est de conduire les salariés à se focaliser sur un seul élément et à en rater d’autres capitaux, comme l’éthique, l’image de la société et les conséquences à long terme. C’est par exemple le cas de Volkswagen qui, en voulant augmenter ses ventes en mettant rapidement sur le marché une voiture écologique, se retrouve quelques années plus tard avec une facture de 35 milliards d’euros à régler, une valeur en bourse de ‑40 % et une image de marque à reconstruire.

3.    Définir un objectif réalisable

Il faut fixer des objectifs élevés pour pousser l’employé à se dépasser, mais pas trop hauts non plus au risque de :

  • le conduire à ne même pas essayer, en se disant que c’est perdu d’avance ;
  • l’inciter à tricher : l’étude de Schweitzer, Ordóñez et Douma (2004) révèle qu’une personne est plus susceptible de gonfler son niveau de performance lorsqu’elle doit atteindre un objectif spécifique que lorsqu’elle n’en a pas, et ce d’autant plus si celui-ci est lié à une récompense, comme le soutien Jensen (2003) ;
  • le pousser à aller au-delà de ses forces, à travailler sans compter pendant une courte période, avant de s’effondrer sous le poids d’un burn-out;
  • le démotiver : échouer à atteindre ses objectifs peut le conduire à remettre en question ses compétences et son intelligence. Or un salarié qui se sait efficace et engagé est plus à même de fournir des efforts.

4.    Doser les objectifs de manière équilibrée

Lorsque les objectifs de quantité et de qualité sont aussi difficiles à atteindre, la qualité est la première sacrifiée au profit du quantitatif. En effet, dans une situation à objectifs multiples, les buts les plus faciles à réaliser et à mesurer (comme la quantité) peuvent faire l’objet d’une plus grande attention que d’autres (tels que la qualité).

5.    Viser un horizon temporel approprié

À trop focaliser sur le court terme, pour contenter les investisseurs par exemple, on peut sacrifier recherche et développement et se retrouver face à un mur quelques années plus tard, quand le marché a évolué et que les produits de la société se trouvent d’intérêt inférieur à ceux de la concurrence.

Il convient donc de fixer des objectifs au-delà du trimestre, pour que les commerciaux, par exemple, ne se limitent pas aux clients les plus gros – et de fait les plus difficiles à attraper –, mais s’intéressent également aux petits qui pourraient devenir gros plus tard ou permettent en tout cas de disposer d’un portefeuille clients plus varié et de fait moins risqué.

6.    Fixer un objectif plancher et non un plafond qui bride le potentiel

Mal appréhendé, un objectif peut se présenter comme un plafond à ne pas dépasser, plutôt que comme une performance à améliorer. Satisfait de son accomplissement, un salarié peut tout simplement arrêter de travailler une fois atteint son objectif.

Le risque, dans une négociation par exemple, est double :

  • on peut pousser les pourparlers pour atteindre ce que l’on s’est fixé et perdre les négociations, alors que sans objectif, on aurait su s’arrêter au bon moment ;
  • on peut s’arrêter dès qu’on a atteint ce que l’on souhaitait, alors que, sans objectif, on aurait pu obtenir davantage.

7.    Discuter des objectifs avec son collaborateur

Parce que nous ne sommes pas tous égaux face à l’effort, il ne faut pas fixer le même à tout le monde. Certains atteindront aisément un objectif, ce qui ne les invitera pas à le dépasser, tandis que le même sera insurmontable pour d’autres et les démotivera. Attention néanmoins au risque de discrimination pour les objectifs liés à une rémunération variable : légalement, dans un même service, il ne faut pas attribuer d’objectifs donnant droit à une prime plus élevés à un salarié ambitieux qu’à un collègue qui l’est moins.

Soyez aussi vigilant au mix. Si un objectif est trop facile et bien récompensé et un autre difficile et mal rétribué, l’employé se concentrera uniquement sur le premier, plus rentable à court terme.

Il convient donc d’échanger avec son collaborateur au moment de l’entretien, pour évaluer les réalisations de l’année passée, ses forces et ses faiblesses. Dans ce cadre, focalisez vos objectifs sur les éléments qui doivent encore évoluer pour pousser le salarié à continuer de se dépasser.

Le pire est de fixer tous les ans le même objectif à tous les salariés. La seule impression qu’ils en retireront est qu’ils ne peuvent plus progresser.

8.    Ouvrir les objectifs à des aspects non commerciaux

Les objectifs se focalisant sur les résultats financiers favorisent :

  • le court terme : le salarié n’accorde pas suffisamment de temps à sa propre formation pour se préparer à son avenir et à celui de son entreprise, alors que cette dernière évolue dans un environnement économique en perpétuel changement ;
  • l’individualisme : le salarié, désireux d’accroître son chiffre d’affaires pour toucher sa prime, hésitera à « perdre » du temps pour aider un collègue qui œuvre in fine lui aussi pour les bénéfices de l’entreprise.

Vous pouvez tout à fait intégrer un objectif de formation et des objectifs collectifs, comme l’amélioration de la confiance ou de la convivialité, à condition qu’ils ne soient pas liés à une rémunération variable, car difficilement quantifiable et mesurable.

une fusée décolle

Ce que vous devez faire pour réussir votre définition d’objectifs

Que devez-vous faire pour ne pas vous tromper à coup sûr en définissant vos objectifs ?

  • Discutez avec vos collaborateurs avant de les fixer : ils seront plus à même de vous expliquer ce qui est le mieux pour eux. S’ils pensent que les objectifs les démotivent, testez une année sans et comparez avec les résultats de l’année précédente. S’ils souhaitent en disposer, tenez compte des conseils suivants ;
  • Définissez ensemble les critères, faites en sorte qu’ils soient précis, simples et quantifiables : vos collaborateurs se les approprieront plus facilement ;
  • Étudiez la nécessité d’associer ces objectifs à des primes ; si vous estimez que c’est essentiel, dosez bien le niveau de récompense lié à chaque critère, pour éviter que vos salariés en priorisent un plus qu’un autre ;
  • Évaluez toutes les conséquences à court et moyen terme pour le collaborateur, mais aussi pour l’organisation de l’entreprise ;
  • Déployez un outil de suivi des objectifs à la main des salariés pour qu’ils mesurent leur propre progression ;
  • Supervisez vos salariés en mettant en place des bilans d’étape et en adaptant les objectifs à leur avancée, pour vous assurer qu’ils constituent toujours un facteur motivant.

Voilà, vous disposez de votre première check-list pour le début d’année. Il ne reste plus qu’à mettre les pieds sous la table et attaquer.

Dans un prochain article, nous vous donnerons toutes les astuces utiles pour fixer vos objectifs pour l’année 2017, ceux de vos collaborateurs ainsi que les vôtres !