Réforme de la médecine du travail : ce qu’il faut savoir

« Apte ou inapte ? » Voilà une question que vous ne pouvez plus poser à votre collègue lorsqu’il rentre de la médecine du travail : hormis les personnes en suivi médical renforcé, depuis le 1er janvier 2017, nous ne suivons plus de visite médicale à proprement parler.

Et ce n’est pas la seule modification apportée par la loi Travail du 8 août 2016 (dite El Khomri), et son décret d’application (2016-1908 du 27 décembre 2016). Sont touchées les fréquences de suivi et les modalités d’inaptitude. Petit tour d’horizon des éléments nouveaux depuis le 1er janvier 2017.

Fin de la visite médicale d’aptitude et de la fréquence biennale

Les salariés ne rencontrent plus systématiquement le médecin du travail à l’embauche, puis tous les deux ans.

Visite d’information et de prévention

La visite médicale initiale par le médecin du travail fait place à une visite d’information et de prévention par un professionnel de santé (membre de l’équipe pluridisciplinaire en santé au travail). Ce dernier produit un dossier médical et une attestation de suivi. Il informe le salarié des risques inhérents à son poste de travail, le sensibilise sur les moyens de prévention à mettre en œuvre et les modalités de suivi de son état de santé. Si nécessaire, il l’oriente vers le médecin du travail.

La visite doit s’effectuer dans les 3 mois après l’embauche et obligatoirement avant l’affectation sur le poste pour les travailleurs de nuit et de moins de 18 ans.

La périodicité de la visite d’information et de prévention n’est plus fixée à 2 ans, mais se trouve à la discrétion du médecin du travail selon le profil du travailleur. Néanmoins, le salarié doit en suivre une tous les 5 ans maximum. Cette fréquence est réduite à 3 ans si le salarié doit bénéficier d’un suivi médical adapté du fait de son âge, de ses conditions de travail et des risques professionnels encourus (travailleurs de nuit ou handicapés, titulaires d’une pension d’invalidité…). Une femme enceinte, venant d’accoucher ou allaitante, ainsi qu’un travailleur handicapé ou titulaire d’une pension d’invalidité peuvent être orientés sans délai vers le médecin du travail pour des adaptations de poste.

Suivi médical renforcé

Pour les postes à risques (exposition à l’amiante, au plomb, aux agents cancérogènes, à certains agents biologiques, aux rayonnements ionisants, au risque hyperbare, au risque de chute de hauteur…), un suivi médical renforcé (SMR) doit être mis en place.

Dans ce cas, un examen médical d’aptitude doit être réalisé par le médecin du travail avant l’embauche. Ce dernier établit un dossier médical et délivre un avis d’aptitude ou d’inaptitude. Cette visite doit être réalisée au moins tous les 4 ans, avec un rendez-vous intermédiaire tous les deux ans.

Dispenses

La visite d’information et de prévention initiale n’est pas obligatoire si :

  • le salarié en a bénéficié dans les 5, 3 ou 2 ans selon le type de suivi (« classique », adapté ou renforcé) et est appelé à occuper un emploi identique
  • le professionnel de santé est en possession de la dernière attestation de suivi ou du dernier avis d’aptitude
  • aucune mesure individuelle d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou aucun avis d’inaptitude n’ont été émis dans les 5 dernières années.

Modification des modalités de déclaration d’inaptitude

Une inaptitude peut désormais être constatée après seulement un examen médical, contre deux espacés de 15 jours auparavant. Néanmoins, une étude de poste, une étude des conditions de travail dans l’établissement et un échange avec l’employeur doivent toujours être réalisés en amont.

S’il le juge nécessaire, le médecin du travail peut, dans les 15 jours, pratiquer un second examen médical.

En outre, la mention par le médecin du travail du caractère gravement préjudiciable à l’état de santé du salarié dispense l’employeur de chercher un reclassement avant de procéder à son licenciement.

En cas de contestation, le salarié doit désormais en référer au Conseil de Prud’hommes. Pour ce faire, il dispose de 15 jours maximum après notification des éléments médicaux.

Ce qui ne change pas : l’examen de pré-reprise

Le salarié doit toujours suivre un examen de pré-reprise du travail par le médecin du travail, après un congé maternité, une absence pour maladie professionnelle ou une absence de plus de 30 jours suite à un accident du travail, une maladie ou un accident non professionnel.

La visite doit se dérouler dans les 8 jours suivant la reprise.

Conclusion

Cette petite révolution marque la fin du rendez-vous biennal avec votre médecin du travail. D’ailleurs, vous ne serez amené à rencontrer ce dernier qu’en cas de difficulté majeure identifiée par le professionnel de santé, liée à la nature intrinsèque de votre poste de travail ou si vous ou votre employeur le sollicitez directement.

Cette réforme retire donc le rendez-vous régulier avec un professionnel de santé qui permettait de détecter certaines pathologies chez des populations qui ne consultent jamais leur médecin traitant. Néanmoins, elle a le mérite de redonner du souffle aux médecins du travail qui souffrent de sous-effectif depuis des années.